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Eugénie Niboyet, une journaliste au service de la cause des femmes.

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Eugénie Niboyet, une journaliste au service de la cause des femmes.

Dans son ouvrage Le vrai livre des femmes (1863), Eugénie Niboyet insiste sur l'importance de l'origine bourgeoise, protestante et genevoise de sa famille paternelle pour comprendre son parcours. Son grand-père Pierre Mouchon fut un pasteur cultivé contributeur à L'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert. Le père emporta dans ses bagages cette ouverture aux idées des Lumières et de la Révolution quand il décida de partir à Montpellier pour ses études de Médecine. Il fut cependant un progressiste modéré attaché à l'Empire.

Cette présentation convenue, qu'Eugénie Niboyet donne de ses origines tient beaucoup au contexte de rédaction de l'ouvrage. Comme de nombreuses féministes du XIXème siècle, l'engagement féministe d'Eugénie la poussa à rompre en partie avec son éducation et son milieu familial et social. Comment aurait-il pu en être autrement? C'est au Code Napoléon et à l'Empire chéri par le père et le mari d'Eugénie que les femmes de son époque doivent leur condition et les inégalités juridiques et sociales dont elles souffrent. Avec le recul et les déceptions, E. Niboyet tente de gommer le caractère radical et républicain qu'a pu revêtir à certains moments son engagement. Il a pourtant bel et bien existé.

Après s'être intéressée au courant saint-simonien et avoir flirté avec les idées socialistes, Eugénie fut séduite par le vent de liberté qui souffla en France à la suite de la Révolution de 1848. Elle s'engagea dans la lutte pour l'obtention du droit de divorcer et du droit de vote. Elle fonde à cette fin en mars 1848 le premier journal féministe et républicain: La Voix des femmes: journal socialiste et politique, organe d'intérêt pour toutes les femmes. Ce journal est soutenu par un club politique auquel participent de nombreuses féministes. Ce mouvement n'est pas réservé aux femmes et des hommes comme Jean Macé y participent.

En avril 1848, La Voix des femmes propose la candidature de George Sand aux élections à l'Assemblée constituante. Cependant, cette dernière désavoue l'initiative et le gouvernement conservateur décide en juin 1848 d'interdire les clubs de femmes (vous trouverez ci-dessous en pdf les différents éléments du débat ainsi qu'un excellent article de l'historienne Michelle Perrot sur les femmes dans la révolution de 1848). Meurtrie et blessée, Eugénie décide de se retirer de la vie politique et de s'exiler à Genève où elle traduit Charles Dickens.

Le désespoir, le contexte politique moins favorable et les blessures infligées par une opinion publique sexiste, poussent Eugénie à gommer une partie de son engagement dans ses écrits autobiographiques. Elle se replie alors sur sa vie de famille. Les méandres de son existence permettent de comprendre comment l'histoire des femmes se contruit parfois dans un silence contraint et forcé par l'époque. Les lettres d'Eugénie montre que loin de renier son engagement féministe, elle continue en réalité à le suivre à distance.


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