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Une femme à Berlin, Marta Hillers, 1954.

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Une femme à Berlin, Marta Hillers, 1954.

A partir du mois d’avril 1945, Berlin est encerclée par les troupes soviétiques qui ont entamé la libération des territoires d’Europe de l’Est. Les forces allemandes qui doivent défendre la ville sont alors considérablement réduites mais très fanatisées. Jusqu’au 2 mai 1945, des combats interminables mettent Berlin à feu et à sang et font de la capitale du Reich un véritable champs de ruines. C’est la chute de Berlin qui est relatée par Marta Hillers  (1911-2001), une jeune journaliste allemande, dans son journal autobiographique écrit entre le 20 avril et le 20 juin 1945. Elle décrit, dans son témoignage, son quotidien et celui des autres civils allemands, notamment des femmes, martyrisés par les bombardements, les pillages, la faim, la peur et les viols, dans une atmosphère apocalyptique. Après avoir attendue l’arrivée des troupes russes, l’auteur découvre un ennemi d’une incroyable férocité, motivé par une vengeance effroyable qui le conduit à commettre des crimes en série. Elle montre également l’impopularité d’Hitler au sein de la population allemande et le chaos qui règne au quotidien chez les civils qui ne pensent qu’à une chose, survivre.

Les femmes ont été les premières victimes des soldats de l’Armée rouge, car elles devaient payer pour les crimes commis par leurs maris, leurs pères ou leurs frères. Des dizaines de milliers de viols, individuels et collectifs,  ont été commis par les Russes sur les Berlinoises, et on estime à 2 millions le nombre de femmes qui, en Allemagne, ont été victimes de ces crimes. Marta H. nous montre également comment, au cœur de la barbarie, le monde est en train de changer. Alors que les femmes sont violées et livrées enchaînées aux désirs de l’armée victorieuse, c’est la défaite d’une certaine image de l’homme qui est sous-tendue par ce témoignage. Tandis que le monde nazi avait glorifié le mythe de l’homme germanique fort et tout puissant, les femmes découvrent au contraire des êtres pathétiques responsables de leur défaite et de leur calvaire. L’auteur met aussi en lumière la volonté de survie des femmes qui font la queue pour quelques vivres, qui s’alignent devant la pompe d’eau publique, qui protégent leurs enfants. La société allemande change, les femmes s’endurcissent tandis que les hommes s’affaiblissent.

Le martyre des Allemands à la fin de la guerre a longtemps été un sujet occulté voire tabou en Allemagne. C’est pourquoi, Une femme à Berlin publiée dans les années 1950 dans divers pays d’Europe de façon anonyme, n’a pu l’être qu’en 2003 en Allemagne. C’est avec une incroyable dignité que la journaliste décrit jour après jour son difficile quotidien dans Berlin en ruines. Elle refuse le discours manichéen, utilise l’humour et l’ironie pour prendre de la distance face aux événements tragiques et pour ne pas tomber dans le récit larmoyant. Dans une Allemagne déliquescente, où toute idée d’humanité a été anéantie par l’idéologie, on peut voir que la survie l’emporte sur la mort, et que les femmes, dont ce témoignage conserve la mémoire, sont elles aussi sont des héroïnes de la guerre.

En complément à cet article, on pourra lire:

- La recension du même auteur du livre intitulé Mon enfant de Berlin.

- L'article intitulé "A nous les ptites Havraises!" paru dans le numéro de juillet 2012 de la revue L'Histoire.

 

 

 

 


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